Le Soir de Rezonville est un panorama réalisé par Alphonse de Neuville et Édouard Detaille entre 1882 et 1883. Huile sur toile de 120 mètres de long pour 14 de haut, elle représente la situation sur le terrain à 19h le 16 août 1870 lors de la Bataille de Mars-la-Tour.
En 1896, la toile sera découpée en 115 fragments qui seront vendus aux enchères.
Une vingtaine de fragments sont conservés au musée de Gravelotte en Moselle et une demi douzaine au Musée de l'Armée à Paris.
Histoire
Le projet financier
Entre 1879 et 1880, la Belgique connaît une frénésie spéculative autour des panoramas, suivant le succès des projets de Charles Castellani. Dans ce contexte, un groupe d'hommes d'affaires belges voit une opportunité de capitaliser sur la popularité de deux des peintres français les plus renommés de scènes militaires, Édouard Detaille et Alphonse de Neuville.
Le groupe a approché de Neuville et Detaille séparément, proposant un projet qui mettrait en valeur leurs talents et commémorerait les événements de la guerre franco-prussienne. De Neuville fut le premier à signer, les journaux belges annonçant des opportunités d'investir lors de l'exposition de ses peintures. Des reproductions de son travail étaient exposées à Bruxelles pour attirer davantage d'investisseurs potentiels. Detaille fut également contacté et accepta de collaborer avec de Neuville sur le projet après une visite pour rencontrer les financiers à Bruxelles. Ensemble, ils acceptèrent de créer deux panoramas, l'un pour Paris qui sera le Panorama de la bataille de Champigny et un autre pour Vienne, qui sera le panorama de la bataille de Rezonville (ou Mars-la-Tour du cote allemand).
La Société Anonyme du Grand Panorama National de Vienne fut établie par un acte le 20 avril 1880, publié dans la Gazette belge le 4 mai 1880. La société fut formée pour capitaliser sur le succès de la souscription de la Société Nationale du Panorama de Paris qui fut souscrite plus de 2000 fois. L'appel à souscription pour 1 500 actions d'une valeur nominale de 100 francs pour un prix de 200 francs, 50 payables à la souscription et 150 à la réception des titres d'actions. Puisque la société était enregistrée avec un capital de 450 000 francs divisés en 4 500 actions de 100 francs chacune et 4 500 actions sans valeur nominale, cela signifie que les fondateurs ont vendu un tiers du capital versé pour payer la souscription des 3 000 actions qu'ils ont gardées tout comme les 4 500 actions de sans valeur nominale. Ils conservent donc 7 500 actions sur les 9 000 émises sans verser un sou de leur poche.
Realisation de l'oeuvre
La toile fait 120 m de circonférence sur 14 m de haut et pèse 3 tonnes et a été realisée par les deux peintres dans un atelier de la banlieue parisienne. La toile est centrée sur la rencontre, à la vieille croix de Rezonville, entre le général Bourbaki à la tête de la Garde impériale et le maréchal Canrobert commandant le VIe corps d'armée.
Pour la réalisation, ils s’entoureront d’une équipe (dont le peintre Paul Mathey), pour les aider à peindre le paysage mais se réserveront les figures.
Le principe du panorama date de la fin du 18eme siècle et pendant tout le siècle suivant les techniques de production et de présentations s’améliorent. G. Bapst a témoigné de la technique de Detaille et de Neuville :
Voici comment procèdent ces deux artistes : après avoir choisi le point d’où la vue sera prise, point qui doit correspondre à la plate-forme, ils lèvent, par la photographie, toutes les parties de l’horizon qu’ils rajustent ensuite ; sur cette reproduction exacte, ils exécutent l’esquisse de la peinture au dixième, aussi poussée que possible, afin qu’il n’y ait plus qu’à la transporter sur la toile. Pour reporter le paysage tel que la photographie le donne, ils se servent de projections photographiques lumineuses : on divise la toile et la photographie en dix parties égales correspondantes ; on projette chacune des parties photographiées sur les parties de la toile où elle doit être reproduite ; puis, au moyen du fusain, on trace les lignes que dessine la lanterne lumineuse et l’on a ainsi exactement le paysage.
Contrairement aux autres peintres de panoramas, Detaille et de Neuville procèdent directement à l’œil aux modifications de perspective. Le réalisme reste saisissant, même pour ceux qui ont participé à la bataille. G. Gœtschy raconte ainsi une visite à l’atelier où se tient le panorama de Rezonville :
Nous rejoignons les trois visiteurs et nous voilà tous gravissant, à la queue-leu-leu, l’étroit escalier qui conduisait à la plate-forme. En y atteignant, le général Bourbaki qui menait le défilé, ne put se défendre d’un peu de saisissement. Devant lui, reproduit dans tous ses détails avec une miraculeuse exactitude et une surprenante fidélité, se déroulait le champ de bataille de Rezonville. Ce fut au tour de ses collègues à s’extasier après lui. L’on reconstitua, de point en point, l’histoire du combat. De Neuville et Detaille énuméraient, tour à tour, et les noms des villages et les numéros des régiments. Pas un coin de la vaste toile où tout ne fut en sa place, et pas la plus mince erreur à relever ! Les troupes évoluaient dans leur ordre et les portraits criaient la ressemblance. Un instant le général de cavalerie parut soucieux : Il cherchait sa brigade. De Neuville la lui fit apercevoir dans le lointain du tableau, grande au plus comme la main, exactement à l’endroit qu’elle avait occupé - tout en s’excusant, avec un sourire, de n’avoir pas pu faire mieux, par égard pour la vérité » .
L'exposition de l'oeuvre
La peinture militaire est très en vogue sous la IIIe République, marquée par le patriotisme et l'esprit de revanche et les panoramas connaissent un fort succès en Europe dans les années 1880, plusieurs capitales possédant alors des rotondes pour les exposer.
Vienne
Le panorama est est présenté à Vienne de 1883 à 1886.
Paris
Le panorama de la bataille de Rezonville remplace de 1887 à 1892, le panorama de la Bataille de Champigny à la Rotonde du Panorama national (5, rue de Berri).
Berlin
Le panorama est exposé à Berlin de 1893 a 1895.
Le déclin du gout des spectateurs pour ce type d'attraction et les prémices du cinéma, entraine la disparition ou la restructuration de ces rotondes. Difficiles à exposer ailleurs et à conserver, les panoramas vont être détruits ou, plus rarement, découpés comme dans le cas du Soir de Rezonville.
Inventaire des fragments
En 1896, le panorama de Rezonville est découpé en 115 fragments qui sont vendus aux enchères à la galerie Georges Petit à Paris,,. En outre on peut retracer les découpes successives suivantes, qui portent le nombre de fragments probable à 124 :
- le lot 52 a été découpé après 1903 pour séparer le Maréchal Canrobert du Général Bourbaki
- le lot 82 a été découpé en au moins deux fragments (probablement plus)
- les lots 94 et 96 ont été coupé en sept fragments entre 1896 et 1898
- le lot 97 a été découpé en au moins trois fragments
Vente du 16 juin 1896
Le tableau suivant reprend le catalogue de la vente de 1896, indique la section du fragment sur le site de la Réunion des Musées Nationaux
La Vente de 1903
Une autre vente aux enchères a eu lieu à la galerie George Petit le 15 juin 1903, pour certains fragments. La copie du catalogue de la vente conservée à la bibliothèque de la collection Frick indique le prix atteint et le nom de l'acheteur noté par les participants.
Bibliographie
- François Robichon, « Les panoramas de Champigny et Rezonville par Edouard Detaille et Alphonse Deneuville », in Bulletin de la Société d'Histoire de l'Art Français, 1981 (1979), p. 272, n° Ch.15.
- Adrien Moser, "Le souvenir de 1870 dans les panoramas d’Edouard Detaille et Alphonse de Neuville", in Les Carnets de la Sabretache, Carnet Spcial 2020, pages 101-104
Notes
Références
Liens externes
- Portail de la peinture
- Portail de la France au XIXe siècle
- Portail des années 1880
- Portail de l’Armée française
- Portail de Meurthe-et-Moselle
- Portail de la Moselle




